Ce n’est plus une surprise pour personne : les Réseaux Sociaux d’Entreprise (RSE) bouleversent les codes dans les entreprises. Cela bouleverse le management, la collaboration, les modes de travail, la créativité, et j’en passe. Un domaine est en particulier bien impacté : c’est la communication interne.
C’est quoi, la communication interne ?
Communiquer en interne au sens large, dans les grandes entreprises, c’est l’art de diffuser des informations générales à tous les collaborateurs. Ce sont des actualités Corporate officielles, mais aussi des informations pratiques et locales. Nous en reparlerons ci-dessous.
Classiquement, depuis 15 ans, c’est-à-dire depuis que les entreprises ont déployé un intranet, le canal de diffusion de la communication interne, c’est l’Intranet / portail de l’entreprise, via des articles d’actualité relayés parfois par des mails à diffusion générale pour tenter de toucher le plus de monde possible.
Ceux qui se chargent de cette communication interne, ce sont des rédacteurs professionnels, des communicants rattachés à la Direction interne.
La com interne est souvent une affaire d’état
Dans toutes les entreprises qui n’ont pas encore déployé de Réseau Social d’Entreprise, la communication interne reste une affaire d’état, avec un monopole clair des capacités de publication réservées exclusivement à l’équipe de la communication interne.
Dans le mode de communication classique, quelle que soit l’information que vous souhaitez partager avec toute l’entreprise, si vous souhaitez utiliser l’organe officiel interne, vous devez déposer votre demande à l’équipe de la « com interne ».
Cette demande doit être faite plusieurs jours à l’avance (voir plusieurs semaines), avec toutes les explications détaillées sur le sujet traité et votre proposition d’article et d’illustration. Vous devez respecter un certain formalisme et une charte éditoriale précise. Vous devez trouver une place dans le planning de communication générale de l’entreprise (s’il en reste car il est souvent bien chargé).
Vers une Communication interne bimodale ?
Reste que toutes les informations que l’on souhaite diffuser dans l’entreprise n’ont pas toutes la même importance ni les mêmes enjeux. Et donc toutes ne méritent pas ce luxe de vérification, de qualité et de détail.
Il y a les communications dites « Corporate », provenant de la Direction générale : ce sont par exemple des articles expliquant la stratégie d’entreprise, les réorganisations, les derniers résultats financiers. Ces communications nécessitent bien évidemment le cadrage et la maîtrise de communicants professionnels de la Direction de la Communication interne ainsi que la validation des plus hautes autorités de l’entreprise car chaque mot a son importance.
Mais il y a aussi un grand nombre d’autres actualités, qui intéressent peu les équipes de communication interne, car non stratégiques, plus locales, ou plus simplement parce que les équipes de la Direction de la communication n’ont pas le temps matériel pour s’en occuper. Ce sont par exemple des informations sur des initiatives locales, sur des évolutions d’outils (nouvelles fonctionnalités, …). Bref, ce sont des informations moins « nobles » que les actualités portées par la Direction Générale.
Du coup, ce type de publication ne trouve que très rarement sa place dans le canal « Corporate » de la communication interne. C’est dommage, car ce sont souvent ces actualités proches du terrain qui intéressent le plus les collaborateurs et qui leur sont le plus utiles dans leur quotidien professionnel.
Je pense que les équipes de communication interne devraient prendre exemple sur les DSI qui abordent leur mutation (lire mon article sur ce sujet : cliquez ici).
Dans les directions informatiques, les décideurs comprennent de plus en plus que tous les projets ne doivent pas être traités de la même manière. Il y a bien sûr certains projets informatiques qui doivent être traités en mode industriel parce qu’ils sont complexes et critiques en termes de business. Mais il y a aussi d’autres projets plus modestes, pour lesquels un mode « artisanal » (agile) suffirait largement : c’est ce qu’on appelle la DSI bimodale. J’évoque ce sujet dans mon livre « Penser autrement les projets informatiques » (cliquer ici) qui aborde le sujet d’une manière très décalée et non académique, en prenant exemple sur mes 10 années d’expérience de projets informatiques « hors process DSI ». Comme il existe une DSI bimodale, les entreprises devraient imaginer une COM interne bimodale. Et justement, la chance c’est que les Réseaux Sociaux d’Entreprise offrent cette capacité.
On dit que le RSE va remplacer l’intranet d’entreprise : ah bon ?
A chaque fois que je rencontre des entreprises qui se cherchent encore face au Réseau Social d’Entreprise et qui n’en connaissent pas vraiment les usages, je découvre qu’ils pensent que le RSE va remplacer l’intranet d’entreprise. En tout cas, ils ont lu des publications qui vont dans ce sens.
Déjà, le terme « intranet » est trop large. On parle de quoi ? Du site d’information de la communication interne, du portail d’entreprise qui permet d’accéder à tous les outils, des sites intranet de l’entreprise ? Pour en savoir plus, lisez mes explications sur le sens du mot "intranet" en cliquant ici.
Même si on réduit le mot « intranet » au seul site de communication interne, dans lequel on publie les actualités, on ne peut pas comparer intranet (de com) et Réseau Social d’Entreprise. Ce serait comme comparer votre voiture avec votre maison sous prétexte que vous rangez votre voiture dans le garage de la maison, et dire que la toute nouvelle Tesla est tellement innovante qu’elle va remplacer votre maison. Ca n’a aucun rapport.
Par exemple, Le site du Figaro héberge tous les articles de fond, composés de texte, d’images et de vidéos. Quand un article important est publié, Le Figaro poste des messages d’accroche depuis leurs comptes Twitter et leur page Facebook, pour « toucher » les utilisateurs qui les suivent sur ces canaux, et leur permettre facilement de réagir, de marquer leur approbation (like) et de partager avec leurs propres amis pour augmenter encore la visibilité de l’article.
La page Facebook du Figaro et son compte Twitter ont-ils tué le site Internet du Figaro ? Non. De la même manière, le Réseau Social de votre Entreprise ne va pas remplacer le site intranet de communication interne. L’intranet (dans le sens indiqué juste ci-dessous) reste le réceptacle d’une communication institutionnel, avec des articles de fond, composés de textes, d’images, de vidéos. Au niveau éditorial, c’est souvent assez riche. Ces articles constituent « le patrimoine informationnelle » de l’entreprise.
Le Réseau Social d’Entreprise n’est pas un outil de publication, mais un outil de discussion, de partage d’information au fil de l’eau. Dans le RSE, on ne rédige pas d’article, avec des images et des mises en forme : mais on publie des messages, essentiellement courts (c’est recommandé), souvent avec des liens vers des contenus plus riches.
Bref, le RSE ne va pas remplacer l’intranet de l’entreprise (en particulier le site de communication), mais il va grandement améliorer la visibilité de vos publications. Et je vais vous expliquer comment…
La nouvelle com interne, façon RSE
Si le Réseau Social d’Entreprise ne remplace pas ce canal officiel de diffusion en tant qu’outil de publication, il offre par contre de nouvelles opportunités en termes de promotion des contenus, en permettant à l’équipe de communication interne de relayer les publications « Corporate ».
Exemple, chaque publication « traditionnelle » d’un article de fond dans l’Intranet devrait systématiquement être relayée dans le Réseau Social d’Entreprise par l’équipe de la communication interne. Car si tous les collaborateurs ne vont pas tous les jours consulter le portail Intranet (la communication interne s’en désole d’ailleurs), ceux qui utilisent le RSE pour travailler ont toute la journée le nez dans leur fil d’actualité.
Le Réseau Social de votre entreprise va donc permettre à la Direction interne (si elle en saisit l’intérêt) de relayer des informations au travers du fil d’actualité, de manière à « toucher » ceux qui, peut-être ne vont jamais sur le site de communication pour voir les actualités, mais qui utilisent tous les jours le Réseau Social d’entreprise dans le cadre de leur travail.
Mais les RSE offrent aux directions de la communication interne d’autres leviers innovants de communication. Par exemple, cela leur permet de créer en quelques clics des espaces d’échange pour lancer des actions de communication dans le cadre d’une campagne de communication plus globale. Dans le cas de Bouygues Telecom par exemple, la Direction de la Communication interne avait utilisé le Réseau Social d’Entreprise en 2013 pour lancer une grande campagne interne autour du lancement de la 4G en France. Au travers d’une communauté du RSE, tous les collaborateurs étaient invités à donner des idées pour promouvoir la 4G à sa sortie : les résultats en avaient été impressionnants.
Les possibilités sont innombrables, et feront certainement l’objet prochainement d’un livre blanc.
Enfin, le RSE devient également pour la Communication interne un Observatoire particulièrement efficace pour identifier des sujets. Dernièrement, j’ai lu dans le fil d’actualité de l’entreprise pour laquelle je travaille actuellement le post d’un chef de chantier félicitant son équipe pour la réussite d’une opération technique dont les caractéristiques constituaient un record. Dans les 20 commentaires de félicitation en dessous se trouvait celui d’un responsable de la communication interne qui indiquait qu’il allait récupérer l’information pour en faire une communication Corporate, car l’évènement était de taille à le mériter. Merveilleux exemple de la puissance d’un Réseau Social d’Entreprise et d’un retour « bottom up » comme on dit dans ce cas.
Avec le Réseau Social, la communication interne « terrain » échappe au contrôle de la direction de la communication interne
On l’aura compris, le Réseau Social d’Entreprise ne remplace pas le canal officiel de diffusion mais il permettra de mieux relayer les articles « Corporate ».
Mais au-delà de cette communication institutionnelle, chasse gardée de la communication interne, il y a toute l'actualité du terrain, des équipes et des salariés. Pour cette communication-là, le RSE offre la possibilité à tous les salariés de s’adresser eux-mêmes à toute l’entreprise, sans passer par l’organe de publication interne officielle qui est la communication interne.
Pour certains (les professionnels de la communication interne plus particulièrement), c’est un risque incommensurable qui doit être conscrit, car rien ne peut empêcher un collaborateur de publier sur le RSE une énorme bêtise, ou de donner une information qui n’aura préalablement pas été validée par dix managers successifs. Certains projets de RSE ont été tués dans l’œuf par des Directions de la communication interne, prédisant les 10 plaies d’Egypte à leurs dirigeants s’ils décidaient d’ouvrir cette boîte de Pandore.
Mais on oublie que rien non plus ne peut empêcher un collaborateur d’envoyer un mail à toute l’entreprise, ou pire, rien ne l’empêche non plus de poster une information sensible sur son propre compte Twitter, sur Internet avec des dégâts pour l’image de l’entreprise bien plus importants. Vous l’aurez compris, le débat n’est plus là. En 2016 une entreprise quelle que soit sa taille, ne pas se priver du levier d’efficacité de ce type d’outil, pour éviter un risque potentiel infime. Le principe de précaution ne doit pas paralyser votre entreprise.
Pour d’autres (dont je fais partie), c’est une chance fabuleuse pour l’entreprise et je vais vous démontrer pourquoi en me concentrant uniquement sur les gains en termes de communication interne.
Quand je suis chez un client dont le Réseau Social d’Entreprise fonctionne bien, j’adore lire les publications faites dans la communauté transverse de « toute l’entreprise ». Yammer offre cette possibilité d’une communauté dont le thème principal est l’entreprise dans sa grande généralité.
Que peut-on y lire ?
- On voit les photos d’un chantier qui vient de se terminer, et qui ont été postées par le chef d’équipe. Dans les photos, on peut voir les étapes du chantier, et les techniciens qui ont travaillé. Le chef d’équipe y explique le chantier en quelques lignes et félicite toute son équipe. En réaction, on peut voir les « like » de plusieurs personnes et des messages de félicitations du directeur de région. Moi qui suis informaticien, je découvre le cœur de métier de mon client et j’avoue être impressionné par la technicité de leur métier.
- On voit les messages d’autres chefs d’équipes ou de techniciens qui rencontrent des difficultés techniques et qui les décrivent avec photos à l’appui. C’est ce qu’on appelle « les bouteilles à la mer ». En réponse, d’autres techniques ou chefs d’équipes postent des conseils ou des idées de résolution. Ils ne se connaissent pas, mais ils sont solidaires. Du fait de cette solidarité, des liens se nouent, et il n’est pas rare lors de séminaire annuel, que des personnes qui se sont aidés mutuellement via le RSE se donnent rendez-vous pour se rencontrer en vrai.
- On voit les messages des différentes communautés de personne au sein de l’entreprise, qui postent de l’actualité, comme par exemple le réseau féminin qui poste l’actualité de leur activité, en montant la photo de l’équipe féminine de course à pieds qui a remporté une victoire lors d’une compétition. Ces posts sont toujours beaucoup commentés et « liké », ce qui apporte une certaine fierté et d’esprit de corps au sein de l’entreprise.
- On voit les annonces de l’association d’apiculture qui s’est créée dans la société et qui installe et gère les ruches sur les différents sites de l’entreprise, dans le cadre des actions pour une entreprise plus verte. Dans ces annonces, les membres de l’association donnent conseils et informations, et permettent aux volontaires de les rejoindre.
- On voit les annonces de certains responsables d’outils ou de démarches, qui passent des informations à destination de toute l’entreprise. C’est typiquement ce que je fais pour animer la démarche de digitalisation au sein de l’entreprise, en relayant les nouveautés fonctionnelles ou en publiant des retours d’expérience et témoignages d’utilisateurs convaincus… les exemples sont innombrables
En conclusion
Je n’ai évoqué ici que le rôle de communication du Réseau Social d’Entreprise, sans évoquer le rôle de l’outil métier dans le quotidien des collaborateurs. Mais déjà uniquement sur la partie « communication », le Réseau Social d’Entreprise offre des opportunités souvent insoupçonnées.
Ce sujet a pourtant un petit goût de souffre, car les entreprises sont frileuses à l’idée de donner aux collaborateurs un canal d’expression. Les dirigeants s’imaginent ouvrir une boite de pandore, oubliant que la difficulté n’est pas de restreindre la parole, mais de convaincre les collaborateurs à s’exprimer.
Rappelez-vous que chacun publie en son nom propre : je n’ai jamais vu de cas de « vrai » dérapage dans un Réseau Social d’Entreprise, ce qui s’apparenterait à un suicide professionnel. On voit bien plus souvent des malheureux adresser par erreur des mails à toute l’entreprise, mettant à genoux l’infrastructure mail avec les réponses des uns et des autres (à lire cet article sur ce phénomène en cliquant ici).
Si vous souhaitez approfondir ce sujet, n’hésitez pas à prendre contact avec moi ; en ma qualité de consultant au sein de la société ABALON (http://www.abalon.fr), j’accompagne régulièrement des comités de direction de grandes entreprises pour leur apporter à comprendre le sujet et les gains pour l’entreprises.