Les échanges que j'ai avec mes interlocuteurs m'aident souvent à prendre conscience de certaines choses qui expliquent bien des difficultés que les entreprises rencontrent par rapport à leur approche du digital interne.
L'histoire commence il y a 15 mois
Il y a 15 mois environ, j'ai eu un échange avec une entreprise qui réfléchissait à l'intérêt d'un Réseau Social d'Entreprise (RSE) avec Yammer. Cette entreprise voulait échanger avec moi pour comprendre le positionnement d'un RSE : pourquoi faire, quel intérêt, quels usages, quelles opportunités ? A cette époque, le déploiement d'un Réseau Social comme Yammer faisait partie des principaux sujets que j'animais dans de grandes entreprises. Pour digitaliser les entreprises (directions, équipes, projets, …), j'avais d'ailleurs deux principaux outils: SharePoint et Yammer.
Mais il y a un peu plus d'un an, ma palette d'outils s'est enrichie. J'aborde maintenant le digital interne en jouant sur tous les nouveaux outils que la suite Office 365 offre, comme Teams, Planner, To-Do, Sway, Forms, et bien d'autres encore. Je fais aujourd'hui de "l'architecture collaborative" (voir ce billet sur ce sujet).
Dans cette approche, Yammer devient l'une des composantes du digital interne. Une composante importante, essentielle, mais(seulement) une composante parmi d'autres alors qu'il y a 15 mois de cela, Yammer était LE projet phare du digital interne. Cela implique forcément un positionnement et une approche différentes.
Bref, mes interlocuteurs sont revenus vers moi il y a quelques jours pour reparler Yammer, et j'ai eu l'impression qu'un siècle environ s'était écoulé pour depuis notre dernière conversation. Les informations que j'avais données 15 mois plus tôt n'étaient certes pas caduques, mais mon approche du collaboratif a beaucoup changé. Il fallait reprendre le sujet dans sa globalité, et réexpliquer la place de Yammer dans ce nouvel ecosystème.
On imagine aisément le désarroi de mon interlocuteur qui aura passé ces 15 derniers mois à préparer son entreprise à l'idée de déployer (uniquement) un RSE, en le présentant en interne comme un projet phare hautement innovant, et qui découvre au téléphone que l'histoire a déjà changé, et que ce RSE n'est plus qu'une composante d'une équation un peu plus grande encore.
Cet échange m'a fait prendre conscience deux choses : (1) plus on tarde à monter dans le train du digital plus il est compliqué de le prendre en marche, et (2) pour réussir à monter dans le train de la modernisation de l'entreprise avec le digital interne, l'entreprise doit changer son système de temps. Elle doit adopter le "temps digital".
Mais qu'est-ce que "le temps digital" ?
Avec le digital, et particulièrement avec Office 365, tout va plus vite, et même beaucoup plus vite. De nouveaux outils apparaissent régulièrement dans la suite, comme Teams, Planner, Forms... Mais ce n'est pas tout : ils évoluent également très vite. J'ai ce souvenir d'un tutoriel vidéo sur Yammer que j'ai fait un soir, et qui était obsolète le lendemain parce qu'une évolution majeure avait été déployée sur l'outil dans la nuit (cliquez ici pour lire le billet qui raconte cette anecdote).
Ce n'est pas la faute à Microsoft, mais c'est juste le reflet de notre époque. Notre temps est celui de la vitesse : la rapidité de diffusion de l'information, l'évolution ultra rapide des clients et de leurs besoins, l'hyper réactivité d'une concurrence de plus en plus disruptive, l'évolution rapide des technologies... Est-ce que l'entreprise peut fonctionner à 30 km/heure, quand le monde extérieur file à 200 km/heure ?
Par exemple, chez les opérateurs téléphoniques (un domaine que je connais bien), jadis une offre de téléphonique se concevait et se développait pendant parfois plus d'un an et les plans se faisaient sur dix ans. Aujourd'hui, les opérateurs doivent être capables de répliquer à une offre d'un concurrent en quelques semaines (voir en quelques jours), tout simplement parce que les clients ne vont pas attendre que vous preniez le temps de faire mieux que le concurrent.
La problème, c'est que l'entreprise ne vit pas au même rythme que le digital.
Les organisation des grandes entreprises sont encore réglés sur le rythme de la fin des années 90. Ce qui rythme souvent la vie de l'entreprise, c'est le processus, les comités d'engagement projet tous les 3 semaines avec vingt décisionnaires (au mieux) autour de la table. C'est la hantise de l'erreur, l'anticipation de tous les risques et même des risques imprévisibles.
Les cœurs des projets digitaux et ceux des projets d'entreprise ne battent pas au même rythme. Le cœur digital bat à 200 pulsations minutes, là où le cœur de l'entreprise bat tranquillement à 50.
Tout cela n'est pas sans impact. L'impact le plus important, c'est la constante désynchronisation entre les stratégies des entreprises et la réalité des usages et des technologies. Certaines entreprises par exemple ont mis des mois, voire des années à étudier le déploiement de la messagerie instantanée Skype. Maintenant qu'ils sont presque prêts à déployer toute la batterie de dispositifs qu'ils ont préparés à grands frais (supports, tutoriels, formations, etc), ils apprennent que la cible pour Microsoft en fait, c'est Teams.
Mais également, au final l'entreprise investit des moyens dans des approches qui ne sont (plus) les plus efficaces ; les utilisateurs perdent des opportunités en termes de performance en ne bénéficiant jamais des tous derniers usages les plus récents.
Sans oublier le coût : même si "délai" et "charge" sont deux notions différents, lorsqu'on se donne une année complète de réflexion sur un projet, on dépense forcément plus d'argent en rédactions de Powerpoint, en réunions et en discussions que si on ne s'accordait que quelques semaines. Tout cela pour n'accoucher au final que d'une simple décision.
Pour passer au "temps digital", il faut changer de posture
Aborder un projet de digitalisation de l'entreprise avec Office 365 en suivant les recettes immuables des projets informatiques internes, en cycle en V, et avec tout le lourd processus associé, ça n'a aucun sens. Ca reviendrait à vouloir faire circuler un TGV dernier cri sur une vieille voie de traverses en bois : non seulement il n'ira pas plus vite qu'un vieil autorail, mais en plus, il a des chances certaines de dérailler.
Faire simple, faire agile, ce n'est pas adopter Scrum. C'est avant tout accepter de faire simple, d'être pragmatique, d'accepter de prendre des risques (tester), d'accepter l'idée de faire autrement (adopter un autre processus plus simple, …).
Je vous invite par exemple à lire mon livre "Penser autrement les projets informatiques", qui vous donnera une idée d'une approche différente.
Tous les domaines du projet sont concernés :
Accélérez vos prises de connaissance : faites appel à des experts qui sauront vous faire comprendre rapidement et concrètement le sujet (bref, contactez moi!).
Accélérez vos prises de décision : plus il y aura des décisionnaires autour de la table et plus le délai de décision sera long, et plus il y a des chances que parmi eux, de nombreuses personnes ne maîtrisent pas le sujet et prennent des décisions sans conscience des enjeux.
Optimisez votre approche : ces projets s'approchent sous l'angle des usages et de l'expérimentation, pas sous l'angle d'un cahier des charges que personne ne sera jamais capable d'écrire ni de valider, et qui vous fera perdre un précieux "temps digital"
Optimisez le déploiement : on ne déploie pas les outils d'Office 365 dans l'entreprise comme on déploie un projet informatique classique. Il y a une certaine façon de procéder, au travers du digital Working que je présente dans cette rubrique
Optimisez / simplifiez le support et l'accompagnement : souvent, les grandes entreprises entourent chaque outil d'un processus lourd à mettre en place, avec des procédures complexes, des modes d'emploi en PowerPoint abscons, ce qui retarde l'ouverture de chaque outil. Stop ! Ne cherchez pas à former votre hotline à savoir expliquer comment utiliser Teams, SharePoint ou Sway, c'est mort d'avance.
Accélérez la transformation digitale : utiliser la force d'Office 365 c'est aussi transformer les modes de travail internes, en digitalisant des processus. Mais si l'entreprise se lance dans ce chantier en gardant le rythme "DSI" traditionnel, c'est l'échec assuré. A lire sur ce sujet la rubrique consacrée à la digitalisation des processus : cliquez ici.
Le passage au temps digital est une nécessité
En conclusion, adopter "le temps digital" dans vos projets de transformation numérique, notamment autour des usages d'Office 365, est une absolue nécessité, pour toutes les raisons que j'ai évoquées.
Il y en a une autre : c'est le risque du télescopage de deux mondes au sein d'une même entreprise, dont le rythme est complètement différent. Lorsque vous missionnerez un consultant digital, comme moi, pour digitaliser des directions, des équipes ou des processus, son rythme sera beaucoup plus rapide de celui de la DSI ou des métiers : il faut le savoir, et s'y préparer.
Mais est-ce un risque ? Non, c'est une opportunité: celle pour une entreprise de pouvoir explorer une autre manière de créer, de transformer, sur un autre rythme, et d'en constater les résultant dans des délais rapides et à moindre coût.