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Christophe COUPEZ

Digital interne : sachez donner envie (mais pas trop)

La transformation digitale interne d’une entreprise (avec Office 365 ou autre chose) est un exercice compliqué, car il ne s’agit pas seulement que d’outil. On ne parle pas ici de simplement changer la version de Word ou d’Excel. On parle d’outils qui permettent de réinventer la manière de collaborer au sein de l’entreprise.

Cette transformation digitale passe donc par une transformation des manières de travailler, de collaborer, de partager. C’est une transformation qui demande de l’énergie et de la volonté de la part des collaborateurs, de leurs managers et des dirigeants.

La difficulté c’est que s'il n’y a pas d’envie dans l’entreprise, il n’y aura aucune énergie à cette transformation. Et il n’y aura pas d’envie si les équipes ne comprennent pas les gains qu’elles peuvent en tirer et encore moins si ces équipes ne sont pas demandeuses. Il est donc capital de savoir déclencher cette envie.

Mais pas trop.

Pour déclencher l’envie, ayez une démarche commerciale !

J’ai commencé ma carrière en 1996 comme auditeur informatique au sein du groupe Bouygues. Puis quelques années après, j’ai intégré la toute jeune entreprise Bouygues Telecom, en 2000, pour devenir ensuite responsable du pôle intranet, côté DSI.

Lorsque j’ai décidé, à 45 ans de devenir consultant en digital interne, après 15 ans chez Bouygues Telecom, je me suis posé de sérieuses questions : est-ce que j’allais réussir à « passer de l’autre côté du miroir », et devenir consultant à la recherche perpétuelle de missions ?

A ma grande surprise, je n’ai ressenti finalement que peu de différence. J’ai cherché la raison, et j’ai compris pourquoi :

Lorsque j’étais salarié chez Bouygues Telecom, responsable MOE du pôle intranet et évangéliste digital interne, la mission que je m’étais donnée était de digitaliser l’entreprise par l’intérieur. Dès 2006, j’étais convaincu des gains des nouveaux modes de travail et je cherchais à les faire connaître partout dans l’entreprise, par tous les moyens.

Très vite, j’ai cherché des opportunités pour faire connaître les solutions que j’avais mises en place dans ma propre équipe pour travailler plus efficacement, collaborer et partager. J’avais également mis en place une communauté de Réseau Social d’Entreprise dans laquelle je publiais régulièrement mes retours d’expériences et les témoignages des responsables des équipes que j’accompagnais.

En plus des publications, j’essayais surtout de me faire inviter dans des réunions d’équipes, des réunions de directions, des séminaires. Je me présentais comme une sorte d’intermède avec un « show » en rupture avec les présentations traditionnelles. J’intervenais pour réveiller les collaborateurs et les interpeler sur leurs manières ancestrales de collaborer, héritées des années 90.

Et les résultats étaient souvent au rendez-vous : dans la plupart des cas, les publications et les interventions débouchaient sur des demandes internes d’accompagnement à la digitalisation que je menais ensuite avec mon équipe. J’utilisais à cette époque SharePoint et le Réseau Social d’Entreprise (un outil révolutionnaire en 2012).

Et chaque fois que j’arrivais à convaincre une direction de nous confier son accompagnement, c’était la fête dans l’équipe : une vraie victoire.

Bref, vous l’avez compris : en fait, je me suis rendu compte qu’à l’intérieur de notre propre entreprise, pendant plus de dix ans, nous avions une approche de société de services. Nous cherchions « du business interne » en interne, non pas pour faire de l’argent mais pour réussir à développer au cœur de l’entreprise un nouveau mode de travail que nous estimions révolutionnaire.

Aujourd’hui, en travaillant chez mes clients, je comprends à quel point cette posture était avant-gardiste. Souvent, les équipes de la DSI « traditionnelles » fonctionnent en mode guichet : en respectant un certain processus immuable, elles attendent que les collaborateurs viennent taper à leur porte avec un cahier des charges précis qui décrira leur besoin. Cette sollicitation débute bien souvent en ouvrant un ticket électronique.

Seulement, vos utilisateurs n’ont pas forcément conscience de ce qui leur faudrait. Et surtout, ils ne savent même pas ce que les outils permettent de faire, et savent encore moins décrire ce qu’il leur faudrait en termes fonctionnels et techniques (sites SharePoint ou autre). C’est le travail des spécialistes que de les aider. C’est le travail de mon équipe.

Bref, mon conseil pour donner envie, c’est d’adopter une approche de société de service en interne, d’aller au-devant de vos collaborateurs, de publier en interne, d’aller à leurs rencontres, de faire la promotion des usages, de prendre votre bâton de pèlerin, d’innover, de raconter les belles histoires des autres équipe, …

Pour déclencher l’envie, osez faire plaisir aux collaborateurs!

On m’a expliqué un jour que le rôle de la DSI n’était pas de faire rêver les collaborateurs, mais simplement de mettre en œuvre des outils dans le respect des processus et de la gouvernance.

Il y a peu de temps, je clôturais un atelier de conception agile avec l’équipe d’une direction métier chez un client. Tout au long de l’atelier, mes interlocuteurs m’énuméraient leurs envies : pouvoir gérer ceci, disposer d’un outil centralisé pour gérer cela, etc.

A chaque fois, à force de discussion, nous trouvions des solutions simples en utilisant SharePoint de manière complètement native. La plupart des besoins ont été pris en compte en direct live, par du paramétrage de SharePoint, sous leurs yeux.

A l’issue de cet atelier, la responsable m’expliquait sourire aux lèvres, qu’ils se voyaient enfin avancer, que mon équipe et moi-même avions l’art de les faire rêver. Ca m’a fait sourire, et surtout ça nous a fait très plaisir, parce que nous tirons notre énergie de la satisfaction et du plaisir des équipes.

Bref, donner envie, c’est aussi vouloir faire plaisir et savoir rêver avec vos utilisateurs. C’est accepter de se triturer les méninges pour trouver des solutions élégantes, innovantes, simples mais efficaces pour faciliter le travail des équipes, au-delà des habitudes et des usages classiques des outils.

Faire plaisir aux équipes, ça doit typiquement être le carburant principal d’une démarche de Digital Working (cliquer) (l’art d’accompagner les équipes à se transformer avec les outils du digital interne).

Donnez envie, … mais pas trop !

La plus grande difficulté des entreprises que j’ai la chance de rencontrer, c’est de réussir à donner envie. Très souvent, on m’appelle parce que l’adoption des outils Office 365 stagne, parce que la greffe ne prend pas. Les nouveaux outils semblent s’ajouter à ceux déjà existants, sans que personne n’arrive vraiment à s’intéresser au sujet.

J’ai un problème de riche, car le problème que je rencontre serait plutôt le contraire.

A chaque fois, après une petite période où on construit les premiers cas métiers probants, les premières actions de promotion, les publications et les interventions en réunion débouchent rapidement vers des demandes d’accompagnement.

Et c’est là que les choses se compliquent : si les premiers accompagnements sont un succès, et que vous communiquez bien dessus, d’autres équipes vous sollicitent à leur tour, vous apportant encore d’autres missions de transformation au sein de l’entreprise. C’est ce que j’appelle une transformation digitale par capillarité. C'est la forme la plus efficace de la transformation digitale, parce qu'elle vient des collaborateurs et de leurs managers.

Lorsque ce mouvement se met en place, l’affaire est en passe d’être gagnée, car c’est un mouvement qui s’auto alimente au fil des projets d’accompagnement, et qui s’appuie sur des réussites concrètes. Mieux : vous vous améliorez pour rapidement trouver le bon réglage qui va plaire dans l’entreprise (un look, une approche, une signature personnelle).

En termes de taille d’équipe de Digital Working, vous pouvez partir petit pour initialiser le mouvement, puis progressivement, monter en puissance avec une équipe de plus en plus étoffée, pour pouvoir de plus en plus de sujets en parallèle, sans oublier le support que vous devez aux équipes que vous avez accompagnées depuis le début de votre demarche.

Seulement voilà, la dimension de l’équipe d’accompagnement au Digital Working n’est pas extensible. Arrive alors un moment, où la sollicitation des équipes vient à dépasser votre capacité à faire. Vous entrez alors dans une zone dangereuse où vous allez marcher tel un équilibriste sur un câble instable.

Vous allez peut-être continuer à faire la promotion alors que vous n’êtes plus en situation de prendre en compte toutes les demandes. Ce faisant, vous allez générer de la frustration et de la colère auprès des équipes qui attendent en vain votre accompagnement, après les avoir convaincu de se lancer. Vous allez les décevoir et perdre leur confiance. Pire : vous ne les ferez plus rêver.

Alors, pour réduire les sollicitations, vous cesserez de faire la promotion du digital interne au sein de l’entreprise : vous ne parlerez plus des réussites, et vous ne chercherez plus à intervenir pour sensibiliser les équipes. Mais vous prenez alors le risque de faire retomber le soufflé, et de tuer dans l’œuf la dynamique de transformation que vous aviez réussie à mettre en marche, après tant d’effort.

Bref, il n’y a pas de solution miracle. La solution se trouve dans l’ambition que vous voulez mettre dans la transformation de l’entreprise, l’importance que vous accordez à ce projet, et les moyens que vous voulez y mettre.

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