Ce dimanche 28 mars, SharePoint fêtait officiellement ses 20 ans. L’occasion unique d’une rétrospective de mes usages de SharePoint au cours de ces 20 dernières années, puisque j’ai eu cette chance d’utiliser cet incroyable outil depuis ses débuts.
2001, la naissance
Quand SharePoint a pointé le bout de son nez en 2001, cela faisait un an que j’étais à mon nouveau poste chez Bouygues Telecom, en charge principalement de la maîtrise d’oeuvre de l’intranet de Bouygues Telecom, Wooby.
En 2001, la notion même d’intranet était complètement nouvelle : l’intranet n’existait que depuis un an seulement. A l’époque, l’intranet de Bouygues Telecom, Wooby, c'était ça :
A cette époque, pour gérer les documents, nous utilisions un outil de GED (Gestion Electronique des Documents) qui s’appelait FileNet. Chaque construction d’une GED était un projet en lui-même, complexe dans l’approche et dans la technique.
A la recherche de solutions plus simples, moins chères et plus efficaces, c’est mon collègue Christophe DE LA BARRE qui a installé SharePoint 2001 sur nos serveurs. Il a fait quelques essais puis il m’a dit : “Christophe, je pense que ce genre d’outil pourrait bien révolutionner les intranets”.
A l’origine, SharePoint était donc un outil uniquement de gestion documentaire, pour gérer des fichiers. Il n’y avait aucun des fonctionnalités que nous connaissons aujourd'hui. Ce n'est qu'avec la version suivante, SharePoint 2013, que les choses sont devenues intéressantes.
SharePoint 2003 et les listes structurées
C’est SharePoint 2003 qui a apporté les fonctionnalités que nous connaissons aujourd’hui avec les listes structurées, les affichages et les pages de Web part. Il était alors possible de créer des cas d’usage intéressants qui dépassaient la seule gestion des documents.
Hélas, au passage, SharePoint 2003 avait perdu certaines fonctionnalités de la version 2001 qui permettaient de faire des GED puissantes ; il faudra attendre la version suivante pour les retrouver (2007), ce qui nous avait obligé à garder en ligne les deux versions 2001 et 2003.
C’est à partir de ce moment que nous avons commencé, au sein de notre équipe, à utiliser les listes structurées (qu’on connaît aujourd’hui sur le nom de “Lists”, une des applications de Microsoft 365) pour gérer des données, comme notre “back log” des actions à faire.
Dès 2004, nous avons commencé à essayer d’évangéliser d’autres équipes et d’autres directions à une autre manière de travailler, en utilisant des sites SharePoint.
Mon meilleur souvenir : une intervention d’évangélisation dans l’équipe en charge du risque financier client et de la fraude, dirigée par Olivier Belma (voir son interview en cliquant ici). En démo, j'avais rapidement préparé un site SharePoint pour illustrer comment cet outil pouvait “fluidifier” les échanges entre deux des équipes, en créant un site sous forme de “guichet” de demandes et de suivi. Ce petit site avait permis de résoudre un vrai problème métier : un vrai succès qui m'avait encouragé dans cette voie.
Des évolutions mais jamais de révolutions
Si aujourd’hui SharePoint évolue chaque mois, voir chaque semaine, SharePoint changeait de version seulement tous les trois ou quatre ans. Il fallait se traîner les défauts de chaque version en espérant qu’ils soient corrigés quelques années plus tard.
“Migrer” les serveurs était une opération hautement sensible que toutes les entreprises ne tentaient pas, faute d’expertise suffisante en interne. A tel point qu’aujourd’hui encore, nous rencontrons chez nos clients de vénérables SharePoint 2007 avec les risques de sécurité qu'on peut facilement imaginer.
Depuis SharePoint 2003, toutes les nouvelles versions n’ont finalement été que des améliorations du concept avec des compléments de fonctionnalités. Les interfaces étaient un peu améliorées et modernisées en termes de look.
En 2007, SharePoint entrait de plain pied dans le Web 2.0 avec les fonctionnalités BLOG et WIKI, des usages révolutionnaires pour l'époque, en pleine mode des blogs personnels (skyblog) et de succès de Wikipedia.
Mais déployer des blogs dans l'entreprise avec faisait peur : certains décideurs s’imaginaient que les collaborateurs allaient créer des blogs pour raconter leurs vacances (le seul usage qu’ils connaissaient de ces solutions). C’est toujours pareil : les entreprises ont toujours du mal à imaginer les gains qu'elles pourraient tirer des usages nés sur internet. Quelques années plus tard, les entreprises allaient avoir les mêmes craintes avec le Réseau Social d'Entreprise.
Mais il n'y avait pas de révolution majeure qui pouvait changer complètement la manière de faire des sites SharePoint, ni rien qui gommait réellement les défauts de l’outil.
Faire un intranet d'entreprise avec SharePoint à l’époque ?
Jusqu’à il y a peu de temps, réaliser un intranet esthétique avec SharePoint était une gageure. Par défaut, un site SharePoint était forcément moche. Les Web parts se collaient entre elles, les gabarits de page étaient presque inutilisables. Je me revois encore pester et jurer devant le rendu déplorable des pages.
Pour essayer d’avoir un minimum d’esthétisme, il faillait bidouiller du code HTML pour positionner correctement les images dans les pages, injecter du code Javascript pour faire de la surcharge CSS afin de corriger les espacements des web parts dans les pages, ou modifier complètement la page maître.
Tout cela coûtait cher et prenait du temps, pour un résultat finalement médiocre. Il y a eu des générations complètes de "SharePointistes", des informaticiens spécialisés dans le développement informatique pour SharePoint, et certains intranets de grands groupes ont nourri pendant ces années ces générations de développeurs spécialisés dans SharePoint, tant leur mis en oeuvre était complexe.
Au final, pour faire ce qu’on voulait, il aurait fallu tordre SharePoint dans tous les sens. Pour faire un intranet sérieux et moins coûteux, mieux valait carrément développer l’intranet en spécifique.
Pour ces raisons, de 2000 à 2017, les différentes versions de l’intranet de Bouygues Telecom ont toujours été des développements spécifiques développés par notre équipe ou par des prestataires (C2S par exemple). En dehors des sites collaboratifs de l'entreprise (plusieurs milliers), SharePoint n’était utilisé au final pour l'intranet que pour son moteur de recherche et pour porter le Réseau Social d’Entreprise, Wooby Network avec une solution NewsGator.
Parce que nous n’étions pas contraints par les limites de SharePoint nos intranets ont obtenu plusieurs récompenses françaises et internationales :
en 2005 prix Cegos / Entreprises & carrières (en grande partie pour sa dimension “mobile”, du jamais vu à l’époque),
en 2011 prix Nielson Norman Group (prix américain mondial)
en 2017, grand prix Coment (Communication & Entreprise)
Nouvelle expérience et Microsoft 365 : les deux vraies révolutions!
Autant au fil des années, SharePoint n’avait fait qu’évoluer, autant le cloud avec Microsoft 365 et la “nouvelle expérience” ont vraiment permis une renaissance de l’outil. Le nouveau patron de Microsoft, Satya Nadella, y ait certainement pour quelque chose.
L’arrivée de la “nouvelle expérience SharePoint” a été un choc pour beaucoup et pour moi en particulier. Il a fallu complètement réapprendre la manière de construire une page SharePoint : penser par "section" et ne plus avoir à injecter de HTML pour avoir une page qui ressemble à quelque chose.
Les débuts ont été difficiles ; beaucoup des fonctionnalités de base manquaient par rapport au SharePoint ancien et certaines manquent encore à l’heure où ces lignes sont écrites (exemple : positionner des audiences sur des Web parts). Mais à part ça, il était clair que la révolution était en marche.
Avec la nouvelle expérience, les pages devenaient faciles à monter et pouvaient être (enfin) esthétiques immédiatement : plus besoin de corriger les espacements de Web part avec du CSS, un vrai soulagement ! Surtout, grâce à l’application SharePoint, une version mobile de chaque site est immédiatement disponible : une révolution pour moi qui, avec mon équipe de Bouygues Telecom, avait œuvré plusieurs mois pour mettre en place une version mobile de l’intranet dès 2004 (une première du genre), à grande peine (voir ce billet : "l'intranet sur mon mobile en un clic").
L’autre grande révolution, c’est bien sûr Microsoft 365 et le cloud. Avec SharePoint online, plus besoin d’attendre des années pour avoir de nouvelles fonctionnalités et surtout, les performances sont bien meilleures que celles que je connaissais à l’époque sur notre infrastructure on-premises.
Avec Microsoft 365, SharePoint devient central : il se cache derrière vos Teams, mais également un peu sous certaines formes, dans OneDrive (les fonctionnalités de partage sont identiques entre les deux outils). Teams et SharePoint forment aujourd’hui un beau tandem, que les utilisateurs n’exploitent pas encore suffisamment.
Aujourd’hui, SharePoint démocratise les intranets
Parce que j’ai 20 ans d’expérience sur SharePoint, je mesure chaque jour la puissance de ce nouveau SharePoint pour faire des intranets. Après avoir passé plus de 15 ans à refuser cet outil pour faire l’intranet de Bouygues Telecom, c’est aujourd’hui la seule et unique option que j’envisage pour réaliser un intranet moderne et complètement intégré à l’éco système digital d’une entreprise.
Je réalise aujourd’hui plusieurs intranets en parallèle pour de grandes entreprises mais aussi de plus en plus pour de petites PME, ce qui est très nouveau. En fait, la puissance de l’outil fait que réaliser un intranet devient aujourd’hui très abordable même pour de petites entreprises : on ne parle plus de développement, on ne parle plus de code informatique. Les délais de réalisation ont été drastiquement réduits.
Beaucoup de sociétés n’ont cependant pas encore intégré cette réalité et abordent encore et toujours leur projet d'intranet sous l’angle de la complexité. Une complexité que l’on retrouve souvent dans des cahiers des charges d’un autre temps, comme je le dénonce ici dans ce billet : "votre appel d'offre pour votre intranet SharePoint est-il vraiment adapté ?" ?
Tous ces intranets sont réalisés aujourd’hui en un temps record avec SharePoint Online, pour des résultats qui m’épatent moi-même à chaque fois et qui épatent aussi souvent mes client (clin d’oeil @Equipe Cœur).
Microsoft aide les entreprises à voir à quoi peut ressembler un intranet aujourd’hui avec des exemples publiés sur le site LookBook SharePoint ce qui montre bien le soin de l'éditeur à repositionner SharePoint comme un outil idéal pour les intranets d'entreprise.
SharePoint : l’arbre qui cache la forêt
Aujourd’hui comme hier, rares sont celles et ceux qui peuvent se vanter de tout savoir de SharePoint. Il y a ce qu’on voit dans les fonctionnalités les plus basiques et il y a ce qui se cache derrière, dans le module d’administration d’une collection de sites.
J’ai toujours été impressionné par la profondeur de cet outil, qui sait rester simple pour le commun des mortels mais qui peut se révéler d’une complexité insoupçonnée pour toutes celles et ceux qui commencent à ouvrir le capot et à descendre dans le sous-sol de ses fonctionnalités.
Cette complexité sous-jacente en fait sa force : elle permet de répondre à des besoins précis, notamment au travers par exemple de ses fonctionnalités de gestion de droits (niveaux d’autorisation, groupes, etc), mais aussi au niveau des banques de termes, du paramétrage du moteur de recherche, mutli langage, etc.
J’ai toujours été fasciné par la capacité de Microsoft à faire évoluer l’outil sans jamais casser le lien avec l’ancienne version. Pour cette raison, encore aujourd’hui, dans un site 100% “moderne expérience”, vous retrouvez encore des "fossiles" de l’ancien SharePoint, comme la page de paramétrage d’une liste ou les modules d’administration back office (groupes, etc) :
SharePoint, le mal aimé (mais plus pour longtemps)
Reste que SharePoint n’a pas toujours bonne presse au sein des entreprises, et cela pour plusieurs raisons. La première c'est son interface vieillotte qu'il a traîné pendant des années: pour celles et ceux en charge de la création de sites SharePoint, ils gardent le souvenir d’un outil complexe et difficile à maîtriser, qui ne donne pas visuellement un résultat toujours probant.
Mais la vraie raison de ce mésamour tient surtout au fait que nombre de sites SharePoint ont été souvent fait avec les pieds, sans concertation ni réflexion et dépit du bon sens. Ils étaient souvent faits par des informaticiens pur sang qui n’ont pas toujours une fibre "usage", ni le sens du service auprès des équipes. Cela est heureusement en train de changer.
Mais la nouvelle interface de SharePoint, la facilité de ses fonctions essentielles comme le partage et... vos efforts pour mieux l'utiliser vont faire basculer les tendances ;-) !
Souvenirs, souvenirs
Enfin, SharePoint pour moi, c’est l’histoire de ma carrière dans le digital d’entreprise (oups, le numérique). Vingt ans de carrière sur ces sujets, que j’ai passées en grande partie au sein de ma première famille chez Bouygues Telecom et dont vous pouvez découvrir l’aventure dans cette brochure qui retrace mon parcours et celle de mes talentueux collègues.
Clin d’oeil à mes collègues et équipiers de l'époque ; mes collègues de Bouygues Telecom qui ont travaillé directement sur Wooby et SharePoint, Henri Favreau, Guillaume Foltran, Christophe De la Barre, Patricia Clément, Florent Loeffel, Nicolas Motron, Olivier Lenoan, Sarah Alezrah, Olivier Sonneville, Alexandre Dymon, mais aussi les “prestataires” (société C2S et autres) qui sont passés dans mon équipe, qui ont fait leur petit bonhomme de chemin et que vous croisez aujourd’hui souvent sur LinkedIn !
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